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Carmignac révèle ses quatre lignes de forces « antifragiles »...
Publié le jeudi 3 décembre 2020La dernière note de Didier Saint-Georges, membre du comité d'investissement de Carmignac Risk Managers : « Un retour équivoque vers la normalité »
Didier Saint-Georges
Les marchés en 2020 laisseront probablement dans la mémoire des investisseurs deux principaux souvenirs. D’abord celui d’une trajectoire en forme de violent aller-retour : après un moment de panique au vu de gouvernements qui se livraient à une automutilation radicale de leur activité économique pour enrayer une pandémie qui leur échappait, les marchés se sont ensuite progressivement rassurés en comprenant que l’intentionnalité de ces plongeons en récession garantissait du même coup leur accompagnement de mesures de soutien monétaire et budgétaire à due proportion, c’est-à-dire hors normes. Par ailleurs, les investisseurs se souviendront d’une polarisation extrême des performances entre secteurs gagnants et perdants.
Il fallait, pour bien négocier cette année hors norme, gérer le risque de marché de façon active, et être très discipliné dans la sélection de valeurs.
Aujourd’hui, la situation politique américaine s’est relativement éclaircie, et des vaccins efficaces seront bientôt largement déployés. Cette combinaison ouvre pour les marchés la perspective euphorisante d’un retour à la normale en 2021 et sonne ainsi le retour en grâce depuis quelques semaines des secteurs les plus pénalisés depuis huit mois. Si cette réaction est compréhensible, il nous semble néanmoins que ce retour vers la normalité puisse s’avérer paradoxalement plus complexe qu’il y paraît. Non pas que cette complexité constitue nécessairement un obstacle à la performance, mais plutôt un appel à la lucidité dans l’allégresse collective.
Les politiques publiques à la croisée des chemins
La coordination entre le soutien budgétaire exceptionnel apporté par les gouvernements et leur pendant monétaire offert par les banques centrales aura été exemplaire en 2020. Nécessité faisant loi, les scrupules du passé à l’égard d’un minimum d’orthodoxie ont été temporairement balayés. Le retour vers une forme de normalité générale va nécessairement poser la question de la future trajectoire des politiques publiques.
Sur le plan budgétaire, on constate d’ores et déjà dans l’Union européenne que le mode de fonctionnement des institutions pourrait permettre à quelques membres récalcitrants, aujourd’hui la Hongrie et la Pologne, d’opposer des résistances à une mise en œuvre rapide du plan de relance européen. Aux États-Unis, le degré de coopération que la prochaine Administration Biden pourra obtenir du Sénat est très incertain à ce jour. Une majorité démocrate au Sénat est encore techniquement possible, selon l’issue du scrutin qui se tiendra dans l’État de Géorgie le 5 janvier prochain, mais le scénario inverse l’est au moins autant d’une majorité républicaine qui bloquerait ensuite systématiquement l’essentiel des projets de dépenses publiques, à l’instar de l’épisode de 2010/2011 subi par Barack Obama.
Au-delà même de ce manque singulier de visibilité, il semble difficile d’ignorer le risque que, les circonstances exceptionnelles s’éloignant, les partisans historiques de la tempérance budgétaire fassent de nouveau valoir leurs arguments. S’il est légitime d’anticiper que les solutions vaccinales à la pandémie auront un impact très favorable sur la confiance, la mobilité et les dépenses de consommation, l’impulsion économique réduite des pouvoirs publics aura certainement l’effet inverse. Par conséquent, dans un contexte où le poids de l’endettement et du sous-emploi global s’est encore accru, il nous semble que, tout à leur enthousiasme de célébrer le retour à la normalité, les marchés font peu de cas aujourd’hui des freins à la croissance qui demeurent très présents. Le redémarrage économique, pour spectaculaire qu’il soit, ne serait-ce que par effet de base, mettra longtemps à réparer le dommage colossal infligé en 2020 à une économie mondiale déjà en faible croissance structurelle. S’il est certes possible qu’un jour l’incontinence monétaire générale nourrisse finalement une violente résurgence inflationniste, pour l’instant il nous semble que le rebond attendu ne devra pas être confondu avec un changement de tendance. La destruction ne sera pas créatrice immédiatement, si elle l’est jamais.
C’est pourquoi nous ne nous départons pas dans les portefeuilles actions de notre biais en faveur des valeurs de croissance de qualité, même si nous nous réjouissons que les valeurs sensibles à la réouverture de l’économie, qui attendaient patiemment leur heure depuis des mois, puissent enfin contribuer à la performance.
Le monde émergent en embuscade
Il est intéressant d’observer que, même dans le scénario d’un statu quo budgétaire, l’un des stigmates du choc économique de 2020 va se manifester dans des besoins de financements considérables de gouvernements en lourds déficits, qui ne pourront toujours pas se passer du soutien appuyé des banques centrales. Le concours sans condition de ces dernières devrait permettre d’éviter de trop importantes tensions sur les marchés obligataires, que les finances publiques de la plupart des pays supporteraient mal.
Il demeure que, dans l’univers obligataire, nous préférons toujours nous concentrer sur les obligations privées, quand elles offrent des rendements suffisants et fiables. Mais cet engagement illimité des banques centrales posera tôt ou tard la question de la valeur intrinsèque des monnaies ainsi créées sans autre objet que de financer des déficits. Le dollar en particulier nous semble aujourd’hui vulnérable à cette perspective. En retour, un affaiblissement de la monnaie américaine constituerait une amélioration des conditions financières pour les pays se finançant et commerçant en dollars, aux premiers rangs desquels se situent les économies émergentes. Ce bénéfice s’ajouterait, au moins pour la sphère d’influence chinoise, au double avantage d’une gestion efficace de la crise sanitaire autorisant un redémarrage plus rapide des économies, et d’une position enviable dans de nombreux domaines de la sphère technologique, y compris celui des énergies alternatives (notamment pour les véhicules électriques).
Il nous semble aussi que la possibilité d’un affaiblissement du dollar, et peut-être d’autres monnaies confrontées aux mêmes défis, justifierait que le prix de l’or reprenne au cours de 2021 sa pente ascendante.
En conclusion, la sortie de « l’anomalie » de 2020 justifie que la valorisation des secteurs excessivement pénalisés pendant la crise se normalise rapidement. Mais au-delà de cet ajustement, il faut garder à l’esprit que c’est la croissance bénéficiaire à long terme des entreprises qui demeure le juge de paix de la performance boursière. Or, comme nous l’indiquions dans notre Note d’octobre dernier («Ce que change 2020»), dans un environnement de taux d’intérêt maintenus à des niveaux très bas, d’activité économique globale encore restreinte, et de déséquilibres macro-économiques aggravés, cette croissance va demeurer structurellement rare et fragile. C’est pourquoi nos portefeuilles globaux continuent de s’appuyer sur quatre lignes de forces « antifragiles » : les actions d’entreprises à croissance visible, la Chine et sa zone d’influence, les acteurs gagnants de la transition énergétique, et les mines d’or.
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